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Gainsbourg, ses plagiats, samples et reprises

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Le génie protéiforme de Serge Gainsbourg revêtait bien des aspects. Compositeur, chanteur, cinéaste, séducteur, provocateur, peintre, pianiste… Capable de passer de la chanson à texte au jazz, à la variété Yéyé, du reggae au Funk en passant par le glam rock, et d’atteindre des sommets avec une pop majestueuse qui lui valut ses 2 plus grands disques (Melody Nelson et L’homme à tête de chou), Gainsbourg était aussi un voleur, un pilleur et « plagieur » invétéré.


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En 59, avec l’album « Gainsbourg percussions », il plagie de manière éhontée le percussionniste nigérian Babatunde Olatunji, totalement inconnu en Europe mais qui avait vendu plus de 4 millions de disques aux USA. En 69, il pillait le prélude n°4 de Chopin pour présenter en chanson sa nouvelle muse dans Jane B. En 84, c’est l’étude N°3 du même Chopin qu’il s’approprie pour faire chanter sa fille Charlotte dans « Lemon Incest ». Dans « initials B.B » c’est Anton Dvorak et sa 9eme symphonie qui fait envoler l’ode de Gainsbourg dédié à Brigitte Bardot.

Lorsqu’il gagne l’eurovision en 1965 comme auteur compositeur de France Gall, c’est Ludwig Von Beethoven et sa sonate N°1 qui structure la pop de « Poupée de Cire Poupée de son ». Coté Texte, malgré les formidables élans qui lui étaient propres, il n’hésitait pas non plus à « pomper » à droite à gauche. Dans « Bonnie and Clyde », ce sont des dialogues entiers du film que Gainsbourg met en musique. Son cynisme légendaire allait jusqu’ à revendiquer ses emprunts à Baudelaire (le serpent qui danse) , Edgard Poe (initial B.B) ou Verlaine ( Je suis venu te dire que je m’en vais) sous prétexte que la sous-culture de l’auditeur moyen était suffisante pour ne pas repérer les emprunts et s’offusquer de ces discrets hommages.

Mais c’est surtout avec ses arrangeurs, Michel Colombier, Alain Goraguer, Jean Claude Vannier et Jean Pierre Sabar, que la muflerie, la paresse et l’ego de Gainsbourg atteignirent leur paroxysme. Fréquemment contacté pour des projets annexes comme des publicité ou des bandes originales de films, Gainsbourg acceptait à peu près tout afin de pouvoir entretenir un train de vie plus que dispendieux.

N’ayant ni le temps, ni la volonté de s’atteler à ces projets, il confiait, comme le raconte Jean Claude Vannier, des grilles harmoniques, la structure couplet refrain à ses arrangeurs puis disparaissait prétextant qu’il leur abandonnait le projet. Ceux-ci, travaillaient pendant des semaines aux arrangements, à la réécriture, à la production et à la réalisation de ces projets, sans que Gainsbourg n’y prête quelque attention. Puis lorsque le disque sortait, ils avaient la surprise d’être crédités, quand ils l’étaient, uniquement comme arrangeurs ou co -compositeurs d’un Gainsbourg qui récoltait les lauriers sans s’être réellement attelé à la tâche.

La bande originale du film « Madame Claude », avec ses sonorités totalement disco, genre que Gainsbourg exécrait et sur lequel il ne s’est jamais vraiment penché, porte en réalité la signature de Jean Pierre Sabar. Les musiques des films « La Horse », « Cannabis » ou les « Chemins de Katmandou » sont elles aussi créditées Gainsbourg mais sont d’avantage des œuvres de Jean Claude Vannier.

Le destin joue souvent des tours, et c’est désormais au tour de Gainsbourg de se faire plagier, piller reprendre, traduire et sampler. On retrouve le sample de « Bonnie and Clyde » dans le « Nouveau Western » de MC Solar. Danger Mouse sample le « Initials BB », que Gainsbourg avait lui-même piqué à Dvorak sur « Live on both sides ». Sur « that’s my people » NTM empruntera le son de « Jane B » qui avait été inspiré à Gainsbourg par Chopin. Massive Attack retranscrira à sa manière le « Cargo culte » sur son « Karma coma ».

Si les reprises de Gainsbourg sont légions, Alain Bashung et Alex Beaupin iront jusqu’ à reprendre des albums dans leur intégralité (Love on the beat pour Beaupin et L’homme à tête de chou pour Bashung). L’australien Mick Harvey consacrera plusieurs albums complets à des versions anglaises des Chansons de Gainsbourg. La boucle sera bouclée quand son fils, Lulu Gainsbourg, dédiera intégralement son premier album aux chansons de son père.

Ecrit par Laurent de Kerdrel

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